mercredi 3 mars 2010

Shutter Island


Dimanche, je devais aller voir, en bonne compagnie, Shutter Island.
On se pointe donc devant le ciné et nous découvrons avec horreur que la file d'attente se prolonge dans la rue, sur au moins 500 mètres.
Immédiatement, le prof de maths qui sommeille au plus profond de moi (mais alors profond, faudrait faire des fouilles mérovingiennes pour le retrouver ....) se réveille.
Il vous propose le problème suivant:



"A/ Sachant que
-a) un professeur de français, peu motivé pour corriger des copies qui l'attendent mais malheureusement doté d'une trop grande conscience professionnelle, a décidé de prendre le train à 16h 44, mais que cinéphile dans l'âme, il veut voir le dernier Scorsese.
- b) la séance est à 13 h 55 et le flm dure 2 h 17
- c) le ciné est à une dizaine de minutes de la gare à pied mais comme le dit prof de français porte un sac bien lourd et est sujet aux crampes dans les mollets, il faut bien compter 15 minutes
==> le prof de français trop consciencieux pourra-t-il voir le film et chopper son train ?

B/ Sachant que:
- a) il y a une file d'attente de 500 mètres environ dans la rue
-b) la file avance de 2 mètres toutes les 5 minutes
-c) un bus passe toutes les 10 minutes dans cette rue sans trottoir où le public attend
==> le prof de français pourra-t-il toujours assister à sa séance ?
==> combien de passant seront écrasés en une heure ?
==> quel est l'âge du capitaine (ou ici du projectionniste) ?"

Bref, vous l'aurez compris, au bout de 20 minutes d'attente, je m'en suis retourné vers la gare, la mort dans l'âme et maudissant les copies qui m'attendaient sur mon bureau.

Mais rien n'est jamais perdu. Hier, après ma séance de yoga où j'ai brillamment fait la position du héron cendré, je me suis précipité au ciné pour rattraper la frustration de dimanche. Et je n'ai pas été déçu.

Le pitch: Di Caprio est un marshal envoyé sur Shutter Island, une île abritant un hôpital psychiatrique, pour y retrouver une dangereuse prisonnière évadée ayant noyé ses trois enfants.

Le film commence sur un Di Caprio trempé et mal en point. Regardant à travers le hublot du ferry qui l'amène sur l'île, il dit qu'il ne supporte pas l'eau. Et l'âme de midinette qui sommeille en moi (beaucoup moins profond que le prof de maths, ce coup-ci) ne peut s'empêcher d'y voir un clin d'oeil à Titanic. Que nenni ! Il s'agit d'un premier indice...
Car Shutter Island bénéficie avant tout d'un scénario brillant, qui ne se contente pas seulement de reprendre les moments de bravoure attendu de ce type de films, mais les revisite de façon originale, perdant le spectateur comme le personnage principal dans ce dédale qu'est l'île.
Scorsese est magistral. Il joue sur le hors champ pour mieux suggérer et tire de quelques allumettes ses meilleures trouvailles visuelles. Il prend un malin plaisir à perdre son spectateur avec de nombreux faux raccords qui le plongent dans un sentiment de malaise et de perplexité. Quelque chose ne tourne pas rond, mais quoi ? Lors d'une scène, c'est un verre d'eau qui disparait du champ, puis une feuille de papier. Plus tard, un mauvais cadrage ... A quoi joue Scorsese ?
Le marshal est un être torturé, qui a perdu sa femme dans un incendie et a délivré un camp de concentration. Ce lourd passé se rappelle à lui lors de formidables séquences oniriques. Le jeu des couleurs y est particulièrement réussi. La glace et les teintes bleutées pour Dachau, le jaune et l'ocre pour l'appartement où Michelle Williams, troublante et bouleversante, se consume dans les bras de son mari. Chaque lieu ou chaque époque est travaillé soigneusement, avec une atmosphère juste et colorée.
Enfin, Di Caprio est de tous les plans ou presque. Et montre une fois de plus son immense talent. Anxieux ou déchiré, il traduit sans surjouer tous les tourments de son personnage torturé.


Bien plus qu'un simple film policier, Shutter Island pose la douloureuse question des marges de la folie. Jusqu'où un être humain est prêt à aller pour se protéger de ses douleurs ? Ou pour conserver le souvenirs des amours défuntes ...

5/5

3 commentaires:

  1. C'est marrant mais ce film suscite des critiques totalement opposées : les uns adorent alors que les autres le maudissent.
    Je crains d'être contraint à aller voir le film pour me forger ma propre opinion sur le denier Scorsese qui déchaine les passions.

    Comment ça un air de "déjà lu" ? :D

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  2. et en même temps, c'est de bonne guerre, lol

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  3. pas encore vu, j'ai hâte.

    tu sais quoi ? tu devrais envoyer tes critiques (littéraires, cinématographiques) à des revues spécialisées.

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