vendredi 5 mars 2010

avec la participation exceptionnelle de ... Ouin Ouin


ça, "exceptionnel", c'est le terme ....
Il y a quelques temps, une collègue a du se faire opérer et a donc du s'absenter pendant un mois. D'abord, une période de latence où les loulous n'ont pas eu de prof (c'est classique, il faut que le rectorat se retourne et puise dans son vivier de TZR * frétillants et disponibles). Mais là, de TZR point :

"Le rectorat se trouva fort dépourvu
quand la bise fut venue
pas un seul petit morceau

de complément de service ou de remplaçant dispo
il alla crier famine
chez l'ANPE sa voisine

la priant de lui prêter

quelque étudiant pour subsister
"

Pour ce qui concerne la paie, intérêt et principal, je ne suis pas sûr que la dite étudiante ait été forcément gagnante. Ayant eu mon concours dès la première fois, je n'ai pas goûté aux joies des vacataires, mais j'ai cru comprendre que leurs conditions de travail étaient assez effroyables...

Avec l'ANPE, c'est la roulette russe. On peut tomber sur de véritables perles ou on peut avoir ... ouin ouin.

Ouin Ouin arrive donc un matin brumeux, emmitouflée dans son écharpe et sa morosité qui ne la quitteront jamais, l'une et l'autre. Elle avait cours à 8h 00 et se pointe tranquillement à 09h 20. Mais elle va pas prendre ses gamins de suite, ça va pas non ? Elle se boit d'abord son petit café pendant que les loulous attendent dehors dans la cour, en se caillant. Bref, ça annonce clairement la couleur.
Ouin Ouin consent enfin à faire une apparition en cours après la récréation. Oui apparition, car elle va chercher ses loulous avec un bon quart d'heure de retard et nous avons la surprise de les retrouver seuls dans la classe 10 minutes avant la sonnerie (inutile de vous dire qu'il n'étaient pas d'un calme olympien puisqu'on en a retrouvé deux sur les tables ...). Oui, Ouin Ouin était retournée en salle des profs se boire à nouveau son petit café. Alors, à ce stade, de deux choses l'une: soit notre café est particulièrement goûteux, soit elle a des actions chez Nescaffé. What else ?
C'est après une journée harassante de 2 heures de cours (oui, comme OuinOuin habite loin, elle ne veut pas faire les heures de cours de l'après midi) que la première journée de notre collègue se termine, le temps pour elle de mettre le grappin sur un prof pour du covoiturage.

Le second jour, Ouin Ouin instaure un petit rituel fort plaisant: elle vient taper à ma porte (avec sa classe aux basques) la deuxième heure de la matinée (mes 5° finiront par être blasés) et s'étonne de m'y trouver:
"Ben, comment ça se fait que tu sois là ?
-Je sais pas, sans doute parce que j'ai cours ici
-ben, et moi, j'ai cours où ?
-ben, euh apparemment pas ici. Mais fait voir ton emploi du temps, on va regarder ensemble. Si ça se trouve, y a une erreur.
-Mon emploi du temps ?
-Un tableau qui t'a été distribué où il est marqué quand tu bosses, avec quelle classe et surtout où. Un emploi du temps, quoi.
-Ah ! je sais pas ce que j'en ai fait. Je crois que je l'ai jeté.
- ....
- Alors, j'ai cours où ?
-(longue respiration abdominale) ok, ce que tu vas faire, c'est faire ranger ta classe devant ma salle dans le couloir. Je te la surveille deux minutes pendant que tu vas au secrétariat pour demander un nouvel emploi du temps.
- Au secrétariat, mais ça fait loin !
-C'est à 50 mètres.
- Ouais, ça fait loin.
- D'accord, alors tu comptes faire quoi ? Partir avec ton bâton de pélerin et ta classe aux fesses en faisant toutes les salles. T'aurais du me le dire, je t'aurais ramené des encyclopédies à vendre pour arrondir tes fins de mois.
-Alors, j'ai cours où ?
- (deuxième longue respiration abdominale, moins efficace cette fois-ci). Ecoute, on se connait pas, mais je te donne un indice, là je suis en train de perdre patience, et crois-moi c'est pas bon signe (je remarque alors que l'ensemble de ma classe hoche la tête à cette phrase, je sais pas comment je dois le prendre). Donc, un petit conseil, tu rassembles le peu d'énergie qui semble te rester, et tu vas chercher ton emploi du temps fissa !"
Je pensais en rester là. C'était mal connaitre OuinOuin qui tous les mardi, à la même heure, m'a refait le coup.

Un mercredi, j'entends tambouriner à ma porte, ce qui, sacrilège, sort mes 3° de leur sommeil léthargique. OuinOuin entre alors, échevelée et soufflante, et balance à la cantonnade, face à des élèves et un prof médusé:
"J'en ai marre, je vais péter un cable".
Me disant qu'il y a de fortes chances pour que cet appel hystérique, mais désespéré, s'adresse à moi, j'intime aux 3° de terminer leur exercice et je m'approche, mais en restant prudent, on sait jamais. Prenant alors ma voix la plus doucereuse:
" qu'est-ce qui passe Ouin Ouin ? allez raconte tout à tonton Will. Non, t'approche pas trop quand même ...
-J'en ai marre de cette classe, je la supporte plus ! Je me casse, j'en ai marre !"
Et elle se tire.
Me laissant planté là.
Avec ma classe.
Et surtout la sienne à l'autre bout du couloir.
Et tout à coup, j'ai un flash. Je revois un extrait du Maître d'école où Coluche remplace tous ses collègues et où il court d'une salle à l'autre ...
On n'a pas retrouvé trace de Ouin Ouin de toute la matinée.

Mais le clou du spectacle, (vous verrez que le terme n'est pas exagéré), OuinOuin sachant ménager ses effets, nous a été réservé pour son dernier jour (Dieu merci). La scène se passe dans la voiture de notre collègue qui a covoituré avec elle, et qui n'a pas volé sa médaille du mérite.
Il est huit heures moins dix, ils sont à 5 minutes du collège, et un cri perçant déchire le silence ouaté qui règne dans la voiture à moitié endormie:
"Vite, vite, arrête-toi là, vite !"
Notre collègue, craignant que Ouin Ouin ne redécore sa voiture d'un joli crépi de vomi, fait une embardée sur le bas-coté, manquant de se manger un arbre. Ouin Ouin descend de la voiture précipitamment, monte sur la petite butte juste en face, baisse son pantalon, et soulage une envie pressante, sous les yeux du collègue ahuri, qui nous a avoué avoir hésité à redémarrer en trombe à ce moment-là.
Je l'ai dit, ils étaient à 5 minutes du collège. Vous prenez une Ouin Ouin peu pudique, vous ajoutez un destin farceur, et vous obtenez le bus des élèves qui passe pile à ce moment-là !
Et oui, nos loulous ont donc eu une vision lunaire du meilleur effet dès 8 heures du matin. Inutile de dire qu'à 8 Heures 02, tous les élèves étaient au courant. Pour les profs, ça a pris 2 heures de plus. Il y aurait un intéressant sujet de thèse à faire sur la vitesse de propagation des informations chez le prof et chez l'élève.
Et dire qu'on emmenait nos élèves au planétarium du Palais de la découverte quelques mois plus tard, comment voulez-vous rivaliser ?

Certains élèves me parlent encore de OuinOuin quelques mois après. J'ignore s'il leur faudra une thérapie...

une dernière précision: l'écriture relève, selon Aragon, d'un mentir-vrai. Je puis vous assurer que tout ce qui a été raconté ici a été véritablement vécu.

*TZR: titulaire d'une zone de remplacement: le prof est amené à faire différents remplacements sur une zone géographique assez large (une fonction que j'ai exercée pendant 5 ans et qui me pend au nez l'an prochain si je veux quitter mon trou ...)

5 commentaires:

  1. Qu'est-ce que c'est drôle...et si bien écrit.. :))

    RépondreSupprimer
  2. perso j'adhère! Il est regrettable que cette pauvre femme soit parti car j'aurais bien aimé lire une suite. d'ailleur à ce propos est il possible de passer d'une biographie à de la fiction ? juste pour le fun ? juste pour se marrer encore ? juste par ce que c'est bien écrit. J'adhère.

    RépondreSupprimer
  3. m'autorises tu à partager ce texte avec quelques copines profs ? (en copier coller hein, pas le lien du blog) on est en grande discussion formation/iufm /maitre aux /remplaçants / formé/pas formé...

    et je pense que ça devrait bien les faire rire.

    RépondreSupprimer