lundi 22 février 2010

Mort d'une diva

Depuis quelques temps, elle se portait mal, et avait de plus en plus de difficultés à le cacher. D'ailleurs, pourquoi mentir ? elle était agonisante. Mais elle refusait de se rendre sans livrer sa dernière bataille.

Elle avait été si rayonnante, si chaleureuse, si solaire. Combien de fois s'était-on réchauffé aux rayons de son énergie. Et certes, elle avait parfois abusé de son pouvoir, mais c'était aussi pour ses excès qu'on l'aimait et attendait son arrivée sur scène avec tant d'impatience. Elle ne décevait jamais son public, et au fil de ses come-back et éclipses qui avaient jalonné sa carrière, elle s'était taillée une réputation internationale.

Mais depuis quelques mois, elle avait commencé à perdre ses forces. Une langueur monotone s'était installée. Elle avait connu pourtant ce sentiment depuis toujours, lui semblait-il. Mais elle avait décidé de livrer combat.

Modifiant en profondeur sa garde-robe, elle avait opté pour les rouges les plus ardents, les jaunes les plus dorés et les ocres les plus prononcés, délaissant les tons verts qui avaient pourtant fait sa gloire. Elle pensait ainsi, en offrant les couleurs les plus vives, tromper la mort qui s'apprêtait à la cueillir. Elle espérait cacher ce mal inéluctable qui la dévorait peu à peu.

D'ailleurs, elle avait dérouté son public en abandonnant ses stridulations et pépiements pour adopter un style vocal plus sobre, basculant presque dans le silence.

Malgré tous ses changements, sa fatigue ne trompait personne. Ses heures dévolues au sommeil, naguère si courtes, s'étaient rallongées de jour en jour: elle se couchait de plus en plus tôt et se levait de plus en plus tard.

Sur sa table de chevet, les violons de Verlaine avaient succédé au songe de Shakespeare.
Le parfum de la mort l'accompagnait comme une amie fidèle, un parfum capiteux, persistant, une fragrance mêlant l'odeur de terre humide et de feuilles en décomposition.

Un matin, on la trouva morte, sous un linceul blanc et cotonneux.

Oui, l'été venait de livrer sa dernière bataille, et comme chaque année l'avait perdue.

2 commentaires:

  1. là en ce moment bizarrement c'est l'homélie funèbre de l'hiver que j'aimerais lire :D

    c'est magnifiquement écrit.

    par contre je t'avais mis dans ma blogline mais visiblement ça ne fonctionne pas

    RépondreSupprimer
  2. merci Ana.
    Premier essai de fiction.
    Pour la blogline, je n'ai rien reçu...

    RépondreSupprimer