vendredi 12 février 2010

alors, et ce voyage à Paris ? ...

.... me demanderez-vous (ou pas). Bon je vous la fais façon Bridget Jones.


Nombre d'élèves perdus: 0 (bien !). Nombre de marches montées: entre 500 et 700. Nombre de fois où j'ai recompté les gamins : euh, ça compte aussi dans les rêves ? Nombre de coups de pied au cul distribués: 1 (mais c'est pas moi qui l'ai donné alors ça compte pas vraiment). Nombre de douches froides: 1 (à 6 heures 10 du matin, sympa, non ?). Nombre de "M'sieur?": 1500 (par heure, bien sûr).

Bon, alors premier bilan: je suis soulagé et heureux de l'avoir fait. Depuis le temps que je stressais à l'idée de faire cette sortie avec les 95 élèves, avec le nombre de prises de bec que j'ai eues avec certains parents, voire parfois avec l'administration, c'est un immense soulagement d'être allé jusqu'au bout sans que mon corps ne craque, comme il le faisait assez quotidiennement depuis quelques temps (crises d'angoisse ou de larmes, tétanie, et j'en passe).
Donc reprenons les choses depuis le début.

JOUR UN: De Charybde en Scylla ...
Mardi, 4 h 20, le réveil sonne, et je commence ma journée par le maudire sur 7 générations. rien de plus classique, quoi. J'ouvre les volets, et j'ai la très agréable surprise de constater qu'il neige à gros flocons. Youpi, nous sommes apparemment bénis des dieux pour ce voyage, c'est parfait.

5H 10, mon Gurosan avalé, mon sac à dos placé là où il doit lexicalement être, je prends la route du bahut, la crise d'angoisse bien chevillée au corps. On m'a indiqué un parking où garer en toute sécurité ma titine qui m'attendra fidèlement pendant deux jours, mais le parking n'est pas ouvert, et c'est donc en frisant l'apoplexie que je la laisse sur le parking du collège où une collègue s'est fait fracturer sa voiture il y a 15 jours et où une autre l'a retouvée, au retour d'un voyage scolaire, avec un cadeau bonux à l'intérieur: une brique (qui, la coquine, pour se frayer un passage, a bien du exploser la vitre de devant). J'arrive devant les parents, je prends un air sûr de moi (" nan, nan messieurs dames, les dents qui claquent, c'est du au froid, pas au stress. laissez-nous vos gosses, aie confiance ").



Et commence alors le rituel que je ferai une demie centaine de fois pendant deux jours: "les turquoise, venez ici". Oui, le groupe que je chapeaute est réuni sous la couleur turquoise. Pour répartir une centaine de gamins, il a fallu se faire tout l'arc en ciel et les couleurs de la création.
Pourquoi ai-je choisi le turquoise, me demanderez-vous ? Pourquoi pas, vous répondrai-je ! Et, quelques heures plus tard, je me féliciterai surtout de n'avoir pas choisi les noirs quand il a fallu rassembler son groupe à Barbès .... Le collègue a intelligemment esquivé le potentiel conflit par un "mon groupe, venez ici".
Appel fait, numéro distribué, sacs posés dans la soute du car, pique nique distribué, nous sommes prêts à partir. Diantre, qu'attendons-nous ? l'aventure glaciale et parisienne nous attend, que diable ! Ce que nous attendons ? les pains, qui doivent astucieusement et logiquement servir de support pour étaler le paté, (seule nourriture à peu près mangeable du pique nique) et que le cuistot n'a pas commandés .... C'est balot, non ? Mais il nous reste cette délicieuse salade de riz mêlant insolemment l'huile de vidange, le polystyrène au goût de thon et un truc verdatre que d'aucuns d'entre nous ont supposé être des morceaux de courgettes... Cyril Lignac peut se rhabiller mes enfants. Quel festin en perspective ! Et surtout quel défi ! Trouver une boulangerie qui pourra nous vendre à midi (parce que notre timing est trop serré et qu'on ne peut pas se libérer avant) une bonne trentaine de baguettes, le tout dans le quartier pas le plus commercial de Paris, en tout cas en ce qui concerne la baguette, une gageure ! Et ben, rassurez-vous, nous avons réussi ! Nos loulous ne sont pas morts d'inanition en milieu de journée( d'intoxication alimentaire à cause de la dite salade oui, mais pas d'inanition !)
Et puisqu'on en est à la page des défis, le cuistot (quel farceur) ne nous a pas indiqué quel sac était réservé à notre allergique au soja et à l'arachide. le jeu de la fève, mais en plus drôle parce que potentiellement mortel... Remarquez, concernant notre allergique, soit il avait fait le pari de se transformer en poisson lune avant la fin du séjour, soit il était candidat au suicide, mais il a quand même commencé à s'enfiler la fameuse salade (et apparemment avec plaisir) et on l'a surtout retrouvé le lendemain dans le resto du Carroussel du Louvre (qui offre différents types de cuisine, allant de l'Italie jusqu'au Maroc) au resto ... chinois.
Je vous passe le voyage sans trop grande incidence, et nous arrivons -en retard- au Palais de la découverte. Il nous faut encore 15 minutes pour poser tous les sacs à dos dans les consignes et direction un exposé, très intéressant comme tous ceux du Palais de la découverte (et il n'y a pas l'once d'une ironie dans mes propos pour une fois). Nous déjeunons, que dis-je, nous nous régalons, sur les marches d'un escalier ou à même le sol, l'oeil morne et la bouche pâteuse de riz au polystyrène sous l'oeil condescendant des autres visiteurs, et nous continuons notre visite. Mon groupe veut essayer un exposé sur la force centrifuge / centripète (miracle: pas un n'a souri à ce mot, des anges, vous dis-je !). Mal leur en a pris. Disons qu'avec l'amabilité et la patience de l'animateur, ils ont eu un avant goût de l'armée.
Direction la Tour Eiffel et ses marches à grimper sous un froid glacial ( c'est bien simple, le sol était une patinoire), puis les champs Elysées (j'ai précisé qu'il faisait une caillante à les voir tomber toutes seules ?) et enfin, en face du Fouquett's nous attendait notre resto du soir: le Quick (oui, le vie est cruelle et ironique). Commence alors une reconversion pour les profs: serveurs de mouflets tyranniques. La pitance distribuée ("vous pouvez pas aller plus vite, mes frites sont déjà froides / mets-les dans ta bouche, je vais te les réchauffer à grands coups de claques"), nous nous asseyons (écroulons serait un terme plus approprié) dans une chaise pour déguster ce plantureux repas. L'allergique se régale avec les frites baignant dans l'arachide qu'on lui a retirées et qu'il a réussi à choper on ne sait comment, tout va bien. Je regarde les loulous bouffer, et je me rappelle étrangement que nous étudierons Gargantua en rentrant.
Direction l'auberge de jeunesse.
10h 10 : nous distribuons les clefs des chambres aux loulous en leur rappelant 3 fois de suite qu'ils doivent toujours l'avoir sur eux, sous peine d'être enfermés dehors. Nous ne comptons pas jouer les serruriers toute la nuit.
10h 17: 3 élèves se sont enfermés dehors. Et là, c'est le drame. Je sens une veine de mon cou gonfler, ma voix mue étrangement, mes cheveux se dressent, les poils se hérissent, ma chemise se déchire en un râle, bref, je passe de ça à ça:






Je fais sortir tous les élèves de l'étage, je leur passe un petit bronchon comme je sais faire (et oui, j'ai une réputation à défendre) et leur promets que l'Enfer de Dante ne sera qu'une douce caresse face à ce que je leur réserve si je ne passe pas une nuit récupératrice, (ce qui suppose le silence et un minimum d'intelligence pour gérer une clef, bordel !!!!).
Je passe en mode maton de prison pendant une heure, puis dodo, je m'écroule jusqu'au lendemain.

Jour deux: Heureux qui comme Ulysse ....
Réveil à 6 heures du matin, et je commence par une douche glacée. Oui, dans l'auberge, c'était au choix: soit pas de chauffage pendant toute la nuit, soit réveil tonique. L'auberge nous donne les pique nique pour le soir, je fais l'erreur fatale de jeter un coup d'oeil à ce qui nous attend et je découvre la même salade de riz que la veille. J'ai une pensée pour notre allergique qui va encore se régaler.
On filoche au Louvre avec du retard comme d'hab' et le temps de poser nos sacs et d'être si chaleureusement accueillis par le musée (je sais pas vous, mais moi, j'ai jamais eu l'ombre d'un sourire aux renseignements) il nous reste 25 minutes pour visiter le Louvre ! "Alors là vous voyez la Vénus de Milo. Nan, elle a pas de bras ! Pourquoi ? parce que l'artiste a du poser son sac au Louvre, et il lui restait que 25 minutes pour terminer sa statue. Et là c'est le Radeau de la Méduse. Vous voyez un radeau, et vous voyez une méduse, et ben tu l'imagines la méduse, on n'a pas le temps..."
après midi où l'on ne fait que passer devant Notre Dame de Paris, bateau mouche shopping et direction le train où l'équipe éducative, avouons-le, s'écroule lamentablement.
remise des loulous aux parents, sur 95 parents présents, 4 merci prononcés et comptabilisés.

Oui, mais le regard émerveillé de N.... qui n'était jamais allé à Paris et qui n'a eu de cesse de s'intéresser à tout ce qu'on lui proposait, lui pourtant si effacé en cours. Rien que pour lui, ça valait le coup.
et je ne pensais pas le dire, mais l'an prochain, je resigne !!!!! Paris: "A nous deux, maintenant !"

4 commentaires:

  1. ils sont tous fous dans l'enseignement :S
    Enfin dieu sait à quel point, on a pu être fatiguant à leur age ;) lol

    RépondreSupprimer
  2. Will, on ne se connait pas mais je te le dis quand même... je t'aime ;-)
    ton très bon resumé m'a donné envie de partir quand même, jsuis maso??

    RépondreSupprimer
  3. ! "Alors là vous voyez la Vénus de Milo. Nan, elle a pas de bras ! Pourquoi ? parce que l'artiste a du poser son sac au Louvre, et il lui restait que 25 minutes pour terminer sa statue."
    Excellent, belle répartie!

    RépondreSupprimer
  4. Emi: non, t'es pas maso, t'es juste ... prof !
    Torn59: Je te confirme, on est tous cinglés la dedans. D'ailleurs, vouloir revenir au prix d'un concours pas facile dans le lieu même que beaucoup ont tenté de fuir par tous les moyens, c'est pas un signe d'un grand équilibre psychologique.
    Michaël: merci, c'est gentil.

    RépondreSupprimer