dimanche 3 octobre 2010

des hommes et des dieux


bon, alors, contrairement à toute attente (et en l'occurrence, les miennes) j'ai réussi être accompagné pour aller voir Des Hommes et des dieux. Bon, j'avoue que j'ai un peu épuisé mon réseau social, et que c'est Fab, mon frère de net, que j'ai réussi à avoir à l'usure.
Mais voilà, j'ai vu le fameux film dont tout le monde parle.
Pour dire la vérité, j'y suis allé un peu comme on fait ses devoirs, un peu comme quand je lisais Robbe Grillet à la fac: parce qu'il le fallait, parce que c'est bon pour ta culture générale.
Je vous passe le pitch, vous le connaissez tous et avouez qu'il y a quand même plus réjouissant.
mais devoir oblige.
et chef d'oeuvre au rendez vous.

le film commence par de longs plans séquences sur les paysages algériens (en vérité, le film a été tourné au Maroc) ou sur les moines en train de prier, vendre leur miel ou aider les habitants de Tibhirine ... Aucun effet de manche, pas de grammaire cinématographique hautement compliquée pour accentuer deux idées : la paix et l'harmonie qui habitent les personnages, et le fait qu'ils soient ouverts sur le monde bien que physiquement enfermés dans un monastère.
Et puis la violence commence à sourdre, d'abord par la parole, puis par une séquence insoutenable où des extrémistes tuent avec une rare sauvagerie des travailleurs étrangers.
Se pose alors pour moi la vraie question du film : celle du choix. Chacun des huit hommes de ce monastère se savent condamnés, ils savent que tôt ou tard, ils seront les prochains, alors quels choix faire ?
Partir et abandonner la population qu'ils aident (parmi les moines, il y un ancien médecin - Michael Lonsdale, incroyablement juste, malicieux et humain- qui soigne les habitants) ? Rester et mourir en martyr ? Accepter la protection de la police algérienne, corrompue ?
Pour incarner ces choix, Lambert Wilson, touchant et habité. Il est filmé en plan très larges dans la nature algérienne, si accueillante. Pour souligner sa solitude dans la prise de décision (il a été élu par les autres pour diriger le monastère).
Mais très vite, ses condisciples se rappellent à son bon souvenir et lui indiquent qu'il doit régenter le lieu comme un démocratie, chacun doit pouvoir faire entendre sa voix.
et chaque choix est écoutable, respectable. "J'ai choisi de devenir moine, pas de mourir en martyr", "je suis vieux, je suis malade, je veux rentrer en France". "Personne ne m'attend, j'ai déjà connu l'horreur, je reste". Xavier Beauvois rend attachant tous ses personnages, et nous fait accepter la lâcheté ou tout simplement les failles qui sommeillent en chacun de nous, sans juger.
Au fur et à mesure, les choix évoluent. L'un des moines subit une crise dans sa foi, et implore Dieu de l'aider. Il finira par se confier à Wilson en lui expliquant qu'il reste : sa vie ne lui appartient pas, il l'a déjà donnée à Dieu, alors qui peut encore venir la lui reprendre ?
Et chacun de cheminer et de choisir, dans l'apaisement et unanimement, de rester et de mourir. Le spectateur est alors déchiré entre deux sentiments car il partage l'apaisement des personnages, mais il assiste aussi à la montée de la menace, qui culmine lors d'une scène magistrale où un hélicoptère armé survole longuement le monastère. Les moines se réfugient dans le chant et communient entre eux en se serrant, la caméra les enferme dans un seul plan puis balaie chacun de leur visage où se lit d'abord la peur puis la détermination. iLs sont mis à l'épreuve, et valident leur choix.
Quelques jours précédant la tuerie finale, un nouveau moine arrive au monastère, porteur de nouvelles et d'objets de l'extérieur. il se fera arrêter par les extrémistes, lui aussi. Mais lui n'a pas eu le même cheminement dans ses yeux, et le parallèle est encore plus fort. Là où chaque moine se résigne (le terme ne correspond d'ailleurs pas vraiment à la réalité, puisque c'est au delà de la résignation), lui pleure et hurle à l'injustice.
Injustice face à une destinée qui ne nous appartient pas (pourquoi les tuer eux ? Pourquoi parmi ces moines, certains s'en sont sortis ? ...), mais à mon sens réflexion plus philosophique que religieuse.
Car quand je parlais de chef d'oeuvre, je faisais référence à la pluralité d'interprétations que ce filme engendre. Pour ma part, la clef du film est la question du choix et du fait de l'assumer jusqu'au bout. Pour Télérama (contre) il s'agit de la foi et de la religion (interprétation que je réfute: si le titre invite à cette lecture, il place l'humain en premier et relativise la question du christianisme avec le pluriel). Une collègue, qui a perdu son père d'une tumeur au cerveau (il se savait condamné) y a vu le courage que l'on peut déployer face à la mort annoncée ...

je vous invite donc à vous forger vous même votre interprétation, en épuisant votre réseau social pour trouver une âme charitable qui vous accompagnera.

5/5

5 commentaires:

  1. Je ne pense pas avoir d’âme charitable pour m’accompagner, mais je vais y aller. Ces moines sont bien connus vers chez moi … En dehors des qualités certaines du film (puisque tu le dis !) je m’interroge sur son succès. Notre époque est pleine ce contraste, celui-ci est très plaisant dans notre actualité où l’homme semble n’avancer que pour ces intérêts. Ici les hommes semblent avancer librement par leur choix. C’est réconfortant pour l’humanité …

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  2. On dirait une resucée du Dialogue des Carmélites de Bernanos. Autre époque, autres protagonistes, mais les faits sont les mêmes et la motivation des personnages toujours aussi étrangement équivoque.

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  3. @ Tambour Major: en quoi les motivations "sont étrangement équivoques"?

    Eusèbe

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  4. @ Eusèbe : Dans les Dialogues par exemple, l'une des soeurs souhaite mourir en martyr et souffrir pour son Dieu. La souffrance comme acte de bravoure, une forme de sublimation pour être presque caricatural. Cela m'avait frappé lors de ma première lecture. J'avais même trouvé cela très dérangeant, presque masochiste. Heureusement quelques pages plus loin la mère supérieure remet de l'ordre dans les idées de ses oilles.
    Faire voeu de martyr me questionne : quelle dimension donne-t-on à cet acte ? Quelle est la part d'abandon de soi, et la part de jouissance que l'on en retire ?

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  5. Merci Tambour Major. Voilà des précisions et un questionnement très intéressant :)

    Eusèbe

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