dimanche 24 octobre 2010

les amours imaginaires


"On s'est connu, on s'est reconnu, on s'est perdu de vue, on s'est reperdu de vue ..."

c'est sur le canevas de Jules et Jim que brode le nouveau film de Dolan. 1 fille, deux garçons, 3 possibilités. Amours à géométrie variable.
Si chez Truffaut, la zizanie apparaissait sous les traits de Jeanne Moreau, c'est ici un ange blond, un "bellâtre très à l'aise" comme le qualifie la première fois Marie, l'un des pôles du triangle amoureux, qui l'incarne. Un monstre d'égoïsme, tout simplement heureux qu'on l'aime et ne semblant pas se rendre compte des dégâts qu'il occasionne autour de lui.
Gravitent donc autour de cet orbite Francis et Marie. Dès les premières scènes, la rivalité se met en place : filmés de dos, chacun va lancer un regard à la dérobée sur l'objet du désir.
Ellipse temporelle et Francis appelle Marie pour lui apprendre qu'ils vont boire un pot ensemble avec l'éphèbe. Chacun de fourbir ses armes d'attraction, chacun de marcher vers la proie d'un pas décidé, chacun de s'émouvoir de la réaction de l'homme désiré, en l'occurrence un sourire.
Mais l'ellipse est ici importante car à l'information finalement presque secondaire donnée par Francis à Marie et au spectateur ("devine avec qui on va boire un verre ? " ) manque la principale : qui a contacté qui ? qui a vraiment invité qui ?
Car Marie et Francis ne vont cesser de traquer les signes, les paroles de leur proie pour nourrir leur amour imaginaire. Un "j't'aime" balancé spontanément par Nicolas doit être décortiqué puis rejeté par Marie, et servira même d'arme contre Francis. Quand ce dernier rencontrera la mère de Nicolas (Anne Dorval, La Brenda du Coeur a ses raisons), il trouvera de quoi alimenter sa chimère.
La rivalité ira crescendo, l'espoir également, à la hauteur de la cruelle désillusion qui les attend au bout du chemin.
C'est poignant car les deux amoureux éconduits ne se sont pas uniquement bercé d'illusions. Nicolas les a (volontairement ou pas, dur de le dire) maintenus dans leurs espoirs, en envoyant une lettre, en jouant de certaines doubles expressions ("j'aime bien être au milieu, qui m'aime me suive ... "). On compatit donc avec eux, plutôt que de les juger et de les condamner.
A mon sens, la toute dernière scène en est d'autant plus ratée et maladroite, un clin d'oeil ironique inutile.
Car si le film est globalement réussi, il l'est surtout quand il ne cherche pas à l'être, quand il est dans l'épure et pas dans la démonstration. Les scènes les plus réussies sont à mon sens les petites pastilles qui émaillent l'histoire principale. On y voit des jeunes gens parler de leurs échecs amoureux. A l'image de cette fille, sorte de clone québécois de Camélia Jordana, qui au début prête à rire puis qui émeut quand elle avoue qu'elle a craqué et qu'elle s'est dévoilée. La scène est simple, mais l'émotion point, naturellement.
En revanche, le film devient particulièrement agaçant quand Dolan prend plaisir à visuellement surligner trois fois ce que le spectateur avait compris la première fois. Les ralentis incessants deviennent irritants, car presque mécaniques. D'autres procédés sont trop scolaires, comme cette scène où l'on voit Francis, de dos, éclairé par une lumière rouge, descendre (une fois encore au ralenti) les escaliers après s'être pris une claque monumentale, métaphore à peine cachée de la descente aux Enfers.
Des tics stylistiques d'autant plus regrettables que Dolan a un regard aiguisé sur les relations amoureuses actuelles, faussées par Internet ou l'ultramoderne solitude. Comme un élève surdoué qui n'aurait pas encore le cran de se défaire des techniques apprises, qui aurait peur de sa propre audace.
Ces réserves mises à part, Les Amours imaginaires reste un très beau film, émouvant et profond.
4/5


2 commentaires:

  1. Mais voyons, Anne Dorval ne joue pas Brenda dans Le Coeur a ses raisons, mais bien Criquette Rockwell, ainsi que sa soeur jumelle Aaaaaaaaaaaaaaashley.

    Pour le reste, je suis assez d'accord sur l'abus des effets (notamment les ralentis incessants) qui donnent une touche artificielle à une réalisation qui aurait gagné à rester plus sobre.

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  2. à Rafale : c'est vrai, erreur fatale ! Comment confondre Criquette et ses dins et Brenda beauté incarnée ? je suis impardonnable !

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