dimanche 24 janvier 2010

comment rater la gestion d'une pause (4)

période de grosse rechute : les crise d'angoisse reviennent, et je soupçonne un médoc, que j'ai bennée depuis, d'en être la cause. Au moment où j'écris, je ne me sens pas au mieux de ma forme physique; j'ai les muscles tétanisés, le coeur battant et le souffle court. Bref, pas la période idéale pour évoquer un des moments les plus douloureux de ma vie.
chapitre 4: vol au dessus d'un nid de coucou.
A la découverte de la trahison impardonnable de R..., il n'est pas mélodramatique de dire que j'ai vu ma vie voler en éclat. Il m'a fallu puiser dans toutes mes ressources pour ne pas m'ouvrir les veines tant son acte avait repeint en noir les 5 ans et demie que nous avions vécus ensemble. J'ignore si nous avons repris contact immédiatement après ça, je ne m'en souviens plus, mon cerveau a occulté cette période. Je me souviens en revanche du vendredi où j'ai tenu bon face aux élèves, parvenant à leur dissimuler ma souffrance, au prix de nombreuses crises de larmes enfermé à double tour dans les toilettes.
le week end, j'ai fait appel à l'une de mes meilleures amies pour avoir son soutien, sa douceur. Elle me rassure, me dit que je trouverais quelqu'un, que quand elle me voit, elle voit quelqu'un de solaire, qui forcément attire les autres. Elle m'explique qu'elle aussi est passée par là, qu'elle a aussi connu la trahison de l'être aimé, mais qu'aujourd'hui, elle vit presque maritalement avec un autre mec, qui ne lui veut que du bien. Avec le recul et à bien y repenser, elle avoue même qu'elle n'a jamais vraiment été heureuse avec le premier, mais qu'elle était dans l'illusion du bonheur. J'enregistre tout ça, mais me sent trop groggy pour pouvoir ressentir pleinement l'espoir qu'elle essaie de m'insuffler.
j'ignore comment j'ai repris contact avec R..., tout ce que je sais, c'est que je l'ai fait. Je sais que je lui ai craché ma haine et mon dégoût au téléphone, mais que dans le même temps, il m'était trop douloureux de le voir partir. En fait, ce que je souhaitais, c'est qu'il s'excuse pour ce qu'il a fait, qu'il me montre des signes de repentir, qu'il accepte l'idée qu'il s'est mal comporté. Alors, peut être pourrais-je enfin lui pardonner. A l'heure actuelle, ce jour n'est jamais arrivé et je sais qu'il n'arrivera jamais: R... "refuse de vivre avec des regrets" et se dit victime de la situation: il est tombé amoureux sans le vouloir, il n'a rien cherché. Pour moi, qui croit au libre arbitre et qui sur ce principe refuse toute religion qui me dicterait ma conduite ou toute croyance en l'astrologie, je ne peux accepter l'argument. A tout moment, il aurait pu donner une autre trajectoire à tout ça. Voyant notre couple se déliter, il pouvait venir m'en parler. Personne ne l'a poussé à s'inscrire sur Rezog. Il aurait pu renoncer à rencontrer Julien. Personne ne l'a forcé à se faire sauter par ce type dans son bureau. qui l'a obligé à reprendre contact ? Bref, la piste du "ce n'est pas ma faute, c'était écrit que je devais tomber amoureux de Julien" ne tient pas pour moi.
Mais malgré tout ça, je ne peux pas rompre les liens avec R..., m'accrochant à deux espoirs chimériques: il me reviendra et il finira par me présenter des excuses témoignant de regrets sincères.
Mi novembre, un stage de deux jours me donne l'occasion d'aller dormir chez lui. Evidemment, je redoute ce moment, mais dans le même temps, je refuse de laisser passer l'occasion. Quand j'arrive, c'est un choc. R... n'est plus que l'ombre de lui même : il a vieilli et fait définitivement ses 42 ans, son teint est terne, il est cerné; la maison empeste le joint et dans la soirée, il en fumera 5, et descendra 2 pastis (il en avait déjà bu 4 auparavant). Cela fait une vingtaine de jours qu'il carbure à ce régime, depuis sa rupture avec Julien.
Je suis effondré de voir à quel point un petit jeune de 20 ans, qu'il a vu 7 fois dans sa vie, a pu le détruire à ce point. comment une histoire d'un mois peut-elle rivaliser, et même être supérieure, à la nôtre ? Et dans le même temps, je suis mort d'inquiétude et je souffre de voir l'homme que j'ai aimé être dans un tel état. Alors, aussi surréaliste que cela paraisse, je finis par le prendre dans mes bras, et je le console d'une histoire qui n'est pas la mienne, et qui m'a détruit également. Pendant qu'il pleure dans mes bras, j'oublie ma haine, ma souffrance, et je le berce, le câline. Je n'ai plus aucune dignité, je me rabaisse comme je ne l'ai jamais fait auparavant.
le lendemain, j'apprends que si R... et Julien ont rompu, c'est parce que ce dernier avait besoin de fric et qu'il a préféré faire la pute que de revoir ses exigences à la baisse. Je suis dur en disant cela, mais j'ai été étudiant, je sais ce que cela représente. J'ai enchaîné des petits boulots, j'ai fait de la collocation avec des gens que je connaissais même pas pour amortir le loyer, j'ai passé des nuits blanches dans les résidences universitaires les plus miteuses et les plus dangereuses, mais jamais je n'ai eu besoin de me prostituer pour m'en sortir. Mes amies ont elles aussi connu des galères de fric (crédit étudiant, petits boulots minables, être obligé de revendre certains livres à Gibert pour pouvoir s'acheter de quoi se nourrir) , mais n'ont jamais eu recours à ça. Je refuse de comprendre ce choix. bref ....
Ma haine, mes doutes ne me quittent pas, me hantent. Je regarde sans cesse s'il est connecté sur Rezog, quels profils il a visité, ceux qui sont venus voir sa page, s'il est connecté sur MSN ... Je passe un autre week end chez lui, et lui demande d'aller fumer sur le balcon. j'en profite alors, tremblant, pour regarder ses conversations archivées MSN. Je veux être honteux jusqu'au bout, je veux me salir jusqu'au bout, je veux me faire mal jusqu'au bout ... et j'y arrive. J'apprends ainsi qu'il avait un "Fucking Friend" marocain au mois de juin. Je lui dis que j'ai fouillé son MSN, j'exige des explications. Il me dit (et à juste titre, j'en conviens aujourd'hui) que je n'avais pas le droit de faire ça. nous restons chacun sur nos positions: il ne voit pas ce qu'il a fait de mal, j'invoque le droit à la douleur pour avoir violé sa vie privée. C'est lui qui a fait le monstre que je suis devenu, tel est mon argument.
Je bascule peu à peu dans la folie. Il m'arrive de me relever dans la nuit pour voir s'il est connecté sur Rezog. Chaque instant, je me demande s'il est avec quelqu'un. Il a cette faculté à tomber amoureux rapidement, au moindre plan cul réussi, donc la probabilité pour qu'il soit en pleine histoire d'amour est plus qu'élevée. Je cultive ma douleur, je m'écorche vif. La perte de poids s'accélère, les crises d'angoisses sont de plus en plus fréquentes. je me coupe du monde.
Noël est là, avec son lot de figures imposées, celles de la joie d'être en famille. Je fais semblant. Un soir, j'apprends que R.. tient un blog. Je sais que je ne dois pas cliquer sur le lien, ms c'est plus fort que moi. Je tombe sur une page où il parle de Julien. Je clique sur une autre page où il explique que son "amour se conjugue à deux, qu'il s'appelle will". il explique qu'il se battra pour moi, si ce n'est pas déjà trop tard. Alors une vague de joie déferle en moi. le miracle de Noël aurait-il lieu ?
Je déchante quelques secondes plus tard, quand je lis la page du lendemain, où il explique qu'il a rencontré un belge, qu'ils ont couché ensemble, qu'il sait qu'ils vont se revoir, que c'est le début d'une histoire... Je suis anéanti.
Mais je me bats !!! Je n'ai rien pu faire pour Julien car je n'ai rien vu venir. Là il n'est pas trop tard. J'appelle R... et le supplie de me sacrifier ce belge.Une fois de plus, je piétine consciencieusement ma dignité. Il ne se prononce pas, se dit fatigué de tout ça. Je passe la plus mauvaise nuit de toute ma vie. Au petit matin, j'entends mon père se lever, je lui demande un lexomil pour calmer mon angoisse. Il sait que je ne vais pas bien, et pour la première fois de ma vie, je fonds en larmes dans ses bras. Pour la première fois de ma vie, je le vois pleurer aussi. Pour la première fois, je l'entends me dire qu'il m'aime, qu'il est là. Il me demande de lui parler, de lui dire. Cela fait 3 mois que je les protège, que je ne leur dis pas la vérité, que je tais la trahison de R...: ils l'ont accueilli comme un fils, eux aussi se sentiront salis quand ils sauront. mais là je ne peux plus. J'attends le retour de ma mère, et entre deux sanglots, les mots coulent, me soulageant à peine, mais ils coulent: Julien, le belge, le marocain, les promesses d'amour, les "je me vois toujours finir mes jours avec toi" côtoyant les plans cul les plus sordides. Mon père est ivre de rage, il veut appeler R..., voire le rencontrer directement. Je fais un cadeau, le dernier, à celui qui sera désormais mon ex (c'est une chose que je comprends : le fait d'avoir tout dit à mes parents sonne comme une rupture définitive), j'interdis à mes parents de le contacter, je le protège une dernière fois.
Pour nouvel an, je dois partir à Paris, et je ne m'en sens la force physique ni morale.

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